Marque employeur: les grosses erreurs des recruteurs.
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Marque employeur: les grosses erreurs des recruteurs.
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Le : 01/09/2016 13:18:40

Volatiles, prêts à changer de job comme on change de lessive... Considérant les candidats comme des consommateurs d'emploi, de nombreux DRH dupliquent les codes de la grande distribution pour les attirer. A tort, affirme une étude menée par Neoma Business School.

"C'est la guerre des talents". Depuis 8 à 10 ans, les DRH n'ont que ces mots-là à la bouche, souvent suivis de celui d'"employabilité", déplore Jean Pralong, responsable de la chaire "nouvelles carrières" de Neoma Business School et co-auteur d'une étude sur la marque employeur. "Ils peaufinent donc cette marque dans un double objectif : capter et fidéliser les meilleurs candidats et influencer, voire contrôler, la perception que de potentiels salariés ont de l'entreprise, la réputation de cette dernière se jouant désormais sur le web et les réseaux sociaux. Il faut donc séduire, promettre, quitte à vendre du rêve." 

Dans le top 5 des priorités stratégiques des DRH pour 2016, la marque employeur se place au 3ème rang, après la gestion des relations sociales et le développement des compétences, mais avant la digitalisation ou le recrutement, rappelle le document. 

 

 

Un préjugé tenace, le candidat shoppeur

Le fait serait acquis. Les salariés auxquels on serine depuis des années qu'il n'y a plus d'emploi à vie, qu'il est vital de se remettre en question, qu'il leur faut prendre leur destin en main, et qu'ils peuvent transformer une rupture en opportunité, auraient une vision court-termiste de l'emploi, analyse l'étude. 

Tels des consommateurs derrière des linéaires en grande surface, ils choisiraient un job comme une boite de petits-pois, sans y attacher trop d'importance. Avec le seul souci de mettre en concurrence les offres d'emploi, afin d'optimiser leur investissement (temps, énergie). Les biens étant interchangeables et remplaçables, l'enjeu serait faible, et l'engagement aussi. Un engagement qui, de plus, serait provisoire, le temps de d'apprendre le maximum de choses à son poste avant de remettre son cv en ligne. 

Du coup, dans la construction de la marque employeur, les DRH dupliquent les codes de la grande distribution, observent les chercheurs: segmentation des cibles, contenu cohérent avec la stratégie de communication, multiplication des contacts entre la marque et son public (forum de recrutement, relations écoles, réseaux de diplômés, réseaux de diplômés, etc.). 

Une réalité, le candidat chineur

Toutefois à y regarder de près, ces dirigeants auraient quasi tout faux. Le travail mené par Neoma Business School, en mars 2015, prouve que les candidats ont des attentes très élevées envers l'entreprise. 

Les chercheurs ont en effet présenté 6 annonces fictives à 752 cadres, mentionnant des tailles de structure, des types de produits et des pratiques de gestion de carrières diversifiés. L'idée? En mesurer l'attractivité. Surprise: invités à décrire leur ressenti, les répondants y ont pointé à chaque fois les six critères qui relèvent des codes de marque de luxe, que le la société soit ou non sur du haut de gamme : élitisme, distinction, renommée, qualité, hédonisme, créativité. 

"L'employeur est donc perçu comme un bien précieux, complexe, impliquant, analyse Jean Pralong. A l'image d'un client qui achète un sac ou un vêtement griffé, le candidat vise le long terme, l'attachement durable. L'identification est plus forte avec le produit (l'employeur), l'engagement aussi." Plus la marque employeur est assimilée à une marque de luxe, plus elle attire de candidats. Avec, pour eux, une exigence de qualité et de solidité qui demeure. 

Un nécessaire ajustement RH

Dans ce contexte, pas étonnant que les DRH se plaignent qu'ils obtiennent de moins en moins de réponses à leurs annonces. L'étude OpinionWay de 2014, montre qu'à la lecture d'une offre, "38%" des candidats sont distants et 22% sont "méfiants". 

Le hiatus est de taille, puisque les candidats n'y trouvent pas ce qu'ils cherchent. Ils ont envie de lire une description précise de ce qu'ils vont faire et non pas du flou - "participer à la croissance de..." -, de sentir une implication, une gestion attentive des carrières (les PME ont intérêt à valoriser ce point) et non pas un esprit de compétition agressif - "un environnement challengeant" -, précise Jean Pralong. 

Enfin, ils savent détecter une authenticité dans les messages. "Mentir, c'est pire que tout, affirme l'expert. Quand un cabinet d'audit affiche des "carrières à long terme" alors que dans ces métiers le turn-over est élevé, et que la progression y est pyramidale", le postulant n'y croit pas. Les recruteurs ont intérêt à saisir que les mutations du travail, où cohabitent "les espoirs de promotion rapide et de revenus élevés avec la crainte du chômage et du déclassement, n'ont provoqué ni désengagement, ni mercenarisation". 

D'ailleurs, plusieurs enquêtes ont montré que les salariés qui réussissent une jolie carrière sont ceux qui restent durablement en entreprise et non pas ceux qui zappent.